Les différents types de vibratos dans la pratique du chant
Introduction |
1- La sobriété |
2- La fréquence et la tonicité |
3- Quelques exemples |
4- Le vibrato dans la chanson populaire |
5- Le vibrato dans le chant classique |
Annexe1 - Le spectrogramme |
Annexe 2 - La mesure de l'amplitude |
Cette page a pour objectif de donner des éléments de comparaison entre les différents types de vibratos vocaux afin de déterminer ce qui peut les rendre agréables ou désagréables. Il en existe en effet toute une variété allant des vibratos sobres et toniques aux vibratos appuyés et lents :
SOBRE |
APPUYÉ |
|
TONIQUE |
||
LENT |
Je ne cherche pas à imposer ma préférence, qui va aux vibratos sobres et toniques, mais à faire prendre conscience de l'importance de ces deux variables (ce qui permettra peut-être à certains de comprendre pourquoi ils croient ne pas aimer les vibratos alors qu'en réalité ils ne les remarquent vraiment que lorsqu'ils les dérangent parce qu'ils ne sont ni sobres ni toniques.)
Le vibrato est une oscillation régulière
de la hauteur du son autour de la note émise, il est employé dans presque toutes les
traditions musicales. On l'emploie comme technique vocale, mais
également dans tous les instruments qui le permettent (synthétiseurs,
instruments à cordes et à vent, ainsi que dans la musique sifflée - ici par
exemple Laura Pergolizzi dans Forever for now )
car il enrichit
le timbre (c'est très net par exemple chez Eva dans Liebelei
où
on sent parfaitement que le timbre est considérablement enrichi par le vibrato).
Le vibrato dynamise également la voix lorsque son oscillation est rapide, comme dans
ces deux exemples où les voix de Michel Jonasz dans De l'amour qui s'évapore(7,9
hertz, faible amplitude) et de Beth Hart dans Tell her You belong to Me
(9,5
hertz, amplitude moyenne) semblent
électrisées par un vibrato rapide. La voix est selon moi le plus beau des instruments
de musique et c'est à mon sens le son de cet instrument que le vibrato enrichit
le plus à condition qu'il soit bien utilisé.
La sobriété est selon moi le critère fondamental d'élégance pour un vibrato. Elle est déterminée par deux critères : l'entraînement du chanteur et le rapport longueur d'onde/amplitude.
L'entraînement
Le manque d'entraînement du chanteur donne, même avec une faible
amplitude (c'est à dire une faible étendue entre le haut et le bas de
l'oscillation), une sensation de
lourdeur car il l'oblige à faire un léger effort pour produire son
vibrato. Cet effort s'entend car il produit une légère différence dans le
volume sonore entre l'aigu et le grave de l'oscillation (car le chanteur
"pousse" à chaque oscillation). Chez
les chanteur très entraînés au contraire, le vibrato vient sans le moindre
effort, d'une façon que les professeurs de chant appellent "naturelle". Le vibrato donne alors l'impression de faire partie du timbre
lui-même, sans la moindre différence d'intensité entre l'aigu et le grave de
l'oscillation. Son amplitude varie même avec la
puissance sonore émise : si l'attaque est douce, l'amplitude du vibrato
l'est aussi. On le remarque notamment chez des chanteurs très entraînés comme
Michael Spyres
ou Edith Piaf
,
et cela augmente l'impression que le vibrato fait partie intégrante de leur
timbre.
Le rapport longueur d'onde/amplitude
L'autre élément déterminant dans la sobriété d'un vibrato est le relief de la courbe des ondulations qui le représente. Il existe deux façons de gagner en sobriété, c'est à dire de diminuer le relief de cette courbe : augmenter la longueur d'onde (c'est à dire diminuer la fréquence) ou diminuer l'amplitude, comme illustré ci-dessous.
Dans le premier cas, on constate en effet qu'une augmentation de la longueur d'onde sans variation d'amplitude aplatit l'aspect général de la courbe :
En voici une illustration sonore :
Laura Pergolizzi ( 8 hertz) | Michael Spyres ( 5,1 hertz) | |||
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Dans le deuxième cas, c'est la fréquence qui reste identique mais l'amplitude diminue et le relief s'en trouve également diminué :
En voici une illustration sonore :
Laura Pergolizzi ( 8 hertz) | Léo Ferré (8,2 hertz) | ||
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Si, à amplitude égale, la fréquence augmente (vagues plus courtes), la forme des vagues devient plus abrupte et le vibrato moins sobre. Une fréquence vraiment élevée (9 hertz) est donc très difficilement compatible avec une forte amplitude, je n'en ai d'ailleurs trouvé aucun exemple : cela donnerait des ondulations trop abruptes, très difficiles à produire. C'est pourquoi la plupart des vibratos à fréquence vraiment élevée sont à faible amplitude (parfois jusqu'à en devenir à peine audibles comme chez Barbara), lorsqu'ils sont à amplitude moyenne comme chez Beth Hart, cela donne déjà l'impression d'une amplitude forte.
Le caractère plus ou moins abrupt de la courbe des ondulations est déterminant pour la sobriété du vibrato. Plus la courbe est plate, plus le vibrato est sobre.
L'amplitude peut donc être élevée à basse fréquence sans que cela manque de sobriété car la courbe reste alors assez plate. C'est le cas chez Michael Spyres. Par contre à haute fréquence, même avec une amplitude moyenne, la courbe est abrupte. C'est le cas chez Beth Hart (voir l'exemple sonore ci-dessous) : l'amplitude est moyenne mais la fréquence extrême rend la courbe des ondulations abrupte. Son vibrato n'est donc pas vraiment sobre, cependant, il n'est pas lourd non plus car sa voix est entraînée et sa fréquence très élevée rend son vibrato très dynamique. L'impression ressentie n'est pas celle d'un vibrato outré, mais plutôt celle, pas désagréable, d'un son légèrement saccadé.
Laura Pergolizzi (voir l'exemple sonore ci-dessous) parvient à concilier une fréquence élevée (même si elle l'est moins que chez Beth Hart) à une amplitude importante (surtout dans les harmoniques). Cela donne une forme très abrupte aux ondulations. Le vibrato n'est donc pas vraiment sobre, mais même avec son amplitude élevée il n'est pas lourd non plus grâce à sa voix entraînée et à sa fréquence élevée donc dynamique.
En résumé
1 La sobriété dépend en premier lieu de l'entraînement du chanteur. Le vibrato est sobre s'il vient sans le moindre effort et s'il semble faire partie du timbre lui-même. Tout effort pour le produire s'entend et donne une impression de lourdeur.
2 La sobriété dépend en second lieu du caractère peu accidenté de la courbe de ses ondulations. Il est sobre si cette courbe est assez plate, quelle qu'en soit l'amplitude. Son amplitude peut donc être assez élevée à basse fréquence car la courbe reste alors peu accidentée.
3 À fréquence élevée et avec une voix entraînée, une courbe accidentée ne peut pas correspondre à un vibrato sobre mais ne donne néanmoins pas d'impression de lourdeur grâce au dynamisme de cette fréquence élevée et à la maîtrise issue de l'entraînement.
Quelques exemples illustrant le degré de sobriété
5,1 hertz | La beauté de cette voix exceptionnelle tient à son timbre, mais également à la sobriété de son vibrato. Son amplitude reste en effet modérée, mais en outre elle n'atteint sa totalité que lorsque la voix donne toute sa puissance : on voit et on entend bien ici que l'attaque est douce tant en ce qui concerne la puissance vocale que l'amplitude du vibrato. |
Michael Spyres |
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5,3 hertz | Ici en revanche l'amplitude est élevée, et elle l'est dès l'attaque, le résultat est loin d'être sobre. |
Sergey Kunaev |
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7,9 hertz | L'amplitude est assez élevée mais comme la fréquence l'est aussi, la lourdeur est évitée. Et comme Michael Spyres, elle évite toute impression d'outrance grâce à la sobriété de l'amplitude sur les attaques. |
Edith Piaf |
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6,5 hertz | Un vibrato qui n'est pas d'une très grande sobriété mais suffisamment maîtrisé pour que son amplitude soit adaptée à la puissance vocale, ce qui donne un résultat très agréable. |
Joan Baez |
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7,5 hertz | Un très beau timbre mais le vibrato semble manquer un peu d'entraînement. On ne remarque rien sur le spectrogramme sinon un léger manque de régularité, de fluidité. Mais à l'écoute on remarque que le vibrato ne vient pas vraiment tout seul et que le chanteur est obligé de "pousser" un peu pour l'obtenir. |
Yvan Dautin |
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9,5 hertz | Chez Beth Hart l'amplitude, qui paraîtrait faible à basse fréquence, paraît un peu élevée car la fréquence est élevée, la forme de la courbe est donc accidentée. Pas de sobriété donc, mais pas de lourdeur non plus grâce au dynamisme de la fréquence très élevée. |
Beth Hart |
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8 hertz | Chez Laura Pergolizzi, forte amplitude et fréquence élevée produisent une courbe exceptionnellement accidentée. Aucune impression de lourdeur cependant grâce au dynamisme de la fréquence élevée. |
Laura Pergolizzi (LP) |
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2 - La fréquence et la tonicité
En matière de fréquence, (nombre d'oscillations par seconde exprimé en hertz) la norme préconisée par les professeurs de chant classique est généralement de 5 à 7 htz3. Elle atteint cependant 9,5 hertz dans la chanson populaire.
C'est la fréquence qui détermine la tonicité du vibrato, plus elle est élevée, plus le vibrato est tonique. Plus la fréquence est basse, moins le vibrato est tonique et moins il est compatible avec une musique rythmée.
3 - Quelques exemples (classés par fréquence décroissante)
Les vibratos rapides (de 9,5 à 7 hertz)
À titre indicatif j'ai attribué à chaque exemple un nombre d'étoiles en fonction de mes préférences. Il est inutile d'y accorder trop d'importance, il m'a cependant semblé intéressant de mentionner mes préférences pour montrer que les critères avec lesquels elles entrent en corrélations sont nombreux : sobriété et tonicité du vibrato, mais aussi timbre, qualités de l'interprétation et même choix du répertoire.
Fréquence (par ordre décroissant) |
Mon appréciation |
Interprète et titre |
Spectrogramme |
9,5 hertz | ![]() |
Beth Hart
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9,5 hertz | ![]() |
Buffy Sainte-Marie |
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9,5 à 9,2 hertz | ![]() L'amplitude est si faible qu'une écoute attentive est parfois nécessaire pour discerner le vibrato de cette voix que je trouve exceptionnelle. Marie Laforêt arrive à 9,5 hertz dans St-Tropez, cela semble correspondre à une limite physiologique, je n'ai en tous cas pas trouvé d'exemple dépassant cette limite. |
Marie Laforêt |
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9,2 à 9 hertz | ![]() Dommage que la qualité de cet enregistrement public soit assez mauvaise. |
Serge Reggiani | |
9 hertz | ![]() |
Dominique A |
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8,6 hertz | ![]() Morte d'une leucémie à 28 ans, Danielle Messia était l'une des plus grandes. Son spectrogramme montre, comme c'est quasiment toujours le cas, que si la fréquence est constante, l'amplitude varie beaucoup. Elle est très faible dans la voix murmurée (partie gauche du spectrogramme), ce qui est magnifique, mais quand la puissance vocale augmente (partie droite), l'amplitude augmente également beaucoup, ce qui peut donner l'impression d'un vibrato un peu appuyé. |
Danielle Messia |
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8,4 hertz | ![]() |
Sonia Lacen
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8,2 hertz | ![]() |
Silvia Perez Cruz |
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8,2 hertz | ![]() Une très belle voix. Son amplitude n'est pas plus élevée à pleine puissance (spectrogramme de droite) que dans la voix murmurée (spectrogramme de gauche). Mais le vibrato est un peu appuyé. |
Gérard Lenorman |
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8,2 hertz | ![]() C'est l'un des vibratos, avec ceux de Betty Mars et d'Edith Piaf, les plus maîtrisés de cette série d'exemples. Outre son extrême régularité de fréquence, son amplitude varie peu de la voix murmurée (à gauche) à la pleine puissance (à droite), ce qui est très rare. Le résultat est magnifique, d'une perfection rarement atteinte. Son timbre n'est cependant à mon avis pas tout à fait aussi beau que celui d'Antony Hegarty, d'Eva ou de Dominique A. |
Léo Ferré |
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8 hertz | ![]() |
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8 hertz | ![]() Une voix enrouée que rien ne prédestinait au chant, qui montre ce que le travail peut faire d'une voix ordinaire, et qui dégage une beauté et une énergie fantastiques. |
Demis Roussos |
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8 hertz | ![]() Un très grand talent qui, à partir d'un timbre très ordinaire, obtient un son sublime et bouleversant. Le spectrogramme montre la différence d'amplitude entre le vibrato de la voix de poitrine lorsqu'elle est un peu retenue (à gauche) et celui de la voix de tête non retenue (à droite). |
Laura Pergolizzi (LP) |
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7,9 hertz | ![]() Edith Piaf fait partie des rares, avec Jean-Marie Vivier, Eva et Joan Baez, dont j'aime vraiment la voix malgré l'amplitude élevée de leur vibrato. |
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7,9 hertz | ![]() |
Michel Jonasz |
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7,85 hertz | ![]() |
Jacques Douai
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La fréquence de Schumann (7,83 hertz)
Au cours de cette diminution de la fréquence, nous arrivons
à la fréquence de Schumann qui correspond à une résonance du champ magnétique
terrestre.
Le rythme des ondes électromagnétiques émises par notre cerveau entrerait
paraît-il en résonance avec cette fréquence pendant la
méditation (paragraphe "comment la méditation et la prière
fonctionnent-elles ?" dans ce lien
).
Et cette fréquence est justement appréciée et utilisée par certains
compositeurs pour régler le vibrato de leur synthétiseur
.
Les vibratos moyens (de 7 à 6 hertz)
6,8 hertz | ![]() |
Colette Magny |
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6,5 hertz | ![]() |
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6,4 hertz | ![]() |
Yves Montand |
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6 hertz | ![]() |
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Les vibratos lents (inférieur à 6 hertz)
5,8 hertz | ![]() Une voix éblouissante par ses performances et sa créativité, à tel point qu'il est difficile de croire que c'est la même personne qui chante tout cela (ce qui est pourtant incontestable). |
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5,8 hertz | ![]() |
Luciano Pavarotti |
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5,5 hertz | ![]() La lenteur du vibrato n'enlève pratiquement rien à la beauté de la voix de Jairo parce que son amplitude reste relativement faible. |
Jairo |
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5,4 hertz | ![]() Un très beau timbre, avec ou sans vibrato. |
Serge Kerval |
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5,3 hertz | ![]() Même remarque que pour Jairo, la lenteur du vibrato passe très bien en raison de son amplitude relativement faible. |
Serge Utgé-Royo |
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5,3 hertz | ![]() |
Sergey Kunaev |
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5,2 hertz | ![]() Ici, particulièrement sur le mot "mort", une variation d'intensité vient s'ajouter à la variation d'amplitude, provoquant un effet plutôt malvenu, malgré la beauté du timbre de la voix de Serge Lama. |
Serge Lama |
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5,1 hertz | ![]() L'une des plus belles voix d'opéra que l'on peut entendre actuellement selon moi. Son timbre est magnifique car son registre étendu lui donne une riche et belle sonorité même dans les graves. |
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Les voix sans vibrato (au son droit)
On trouve dans cette catégorie des voix dont le timbre naturel est suffisamment beau pour que le chanteur ou la chanteuse n'ait pas jugé utile de l'enrichir d'un vibrato. Antony Hegarty par exemple se trouverait dans cette catégorie si la beauté naturelle de sa voix n'avait pas été encore magnifiée par un vibrato d'excellente qualité. On remarquera néanmoins qu'un très léger vibrato est souvent perceptible sur les notes tenues, il est très rare que la voix d'un chanteur en soit totalement dépourvue. Cependant il est, dans ces exemples, si discret qu'on peut ranger ces voix dans la catégorie des sons droits.
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Jean Arnulf |
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Fabienne Thibeault |
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Juliette |
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Jacques Brel |
Mes préférences
En ne retenant ici que les interprètes auxquels j'ai attribué la note maximale, on constate que leur vibrato est toujours sobre et tonique.
4 - Le vibrato dans la chanson populaire
Dans la chanson populaire, tout est permis. Les voix n'y sont évidemment pas aussi belles qu'à l'opéra mais on y rencontre davantage de vibratos réussis, que l'on entendrait également à l'opéra si les dogmes qui y règnent ne l'interdisaient pas.
La pratique du vibrato dans la chanson populaire a progressivement reculé, plus en France qu'au Canada ou aux États-Unis, depuis les années 1940. Il ne s'agit cependant pas d'une extinction de cette technique vocale car toute une catégorie d'artistes, et pas des moindres, le pratiquent encore avec succès. Ce recul est très nettement lié à la forte diminution de l'intérêt pour les voix travaillées, qui a elle-même trois causes.
La première et la principale de ces causes
est bien
évidemment la
sonorisation des salles de concert. Nous ne sommes plus à l'époque d'Edith Piaf où il
était nécessaire d'avoir de la voix pour faire carrière dans la chanson. Jusqu'aux
années 1930, avant la sonorisation des salles, la mode était aux voix sonores
et aux vibratos rapides et travaillés dont voici
quelques exemple (j'indique au passage la
fréquence des vibratos en hertz) : Tino Rossi(6,6
htz), Berthe Sylva
(7,35
htz), Fréhel
(7,8
htz), Joséphine Baker
(8,1
htz), Seyya Hamin
(8,1
htz) et bien d'autres. On
prête aujourd'hui beaucoup moins d'attention aux qualités de la voix, qui n'a
plus besoin d'être travaillée pour être entendue, et par conséquent au vibrato dont
beaucoup de chanteurs font l'économie. Quand des chanteurs comme Charles
Aznavour ou Françoise Hardy ont débuté, on a remarqué tout de suite qu'ils
n'avaient pas beaucoup de voix et on le leur a reproché, alors qu'aujourd'hui
c'est la norme et c'est au contraire quand un chanteur a de la voix, comme
Amaury Vassili, qu'on le remarque.
La deuxième de ces causes est beaucoup
moins déterminante. Il s'agit de la transformation progressive de la chanson en
musique de danse à la suite de la libération sexuelle des années 1970. Claude François ou Michael Jackson firent
partie des précurseurs en fondant
leurs succès davantage sur la danse que sur la chanson, mais
aujourd'hui la plupart des chansons sont chorégraphiées et le public attend
des chanteurs qu'ils soient aussi, et parfois surtout, des
danseurs, et même des sex symbols. Cela fait pencher la balance entre
l'élément rythmique et l'élément musical en faveur de l'élément rythmique, aux
dépens de la richesse musicale. La musique de danse est en effet un
genre musical qui se caractérise, outre par ses qualités rythmiques, par sa répétitivité musicale.
La partie musicale, dont fait partie la
qualité de la voix et de son vibrato, est donc passée au second plan dans
la chanson populaire quand celle-ci s'est orientée vers la danse. De plus, un vibrato
peu tonique (c'est à dire assez lent) comme ceux d'Yves Montand, de Serge Lama
ou de Jairo
s'accommode
très mal d'une musique de danse tonique et rythmée. Cependant, il est
parfaitement possible de maintenir un vibrato, pourvu qu'il soit suffisamment
tonique, sur une musique très rythmée, comme l'ont abondamment prouvé de
nombreux chanteurs et chanteuses (Laura Pergolizzi (LP)
,
Michel
Jonasz
, Danielle
Messia
, Beth
Hart
,
Shakira
,
Johnny Hallyday
,
Elvis Presley
et tant d'autres). Il est à
mon sens évident que sans la sonorisation des salles de concert, ce dernier
type de chanteurs aurait continué à prédominer.
La troisième de ces causes est l'absence quasiment totale d'enseignement du chant dans l'éducation française ajoutée l'apparition successive des récepteurs radio et des chaînes hifi. Le résultat en est que dans notre pays on ne chante plus. Avant l'apparition des récepteurs radio dans les années 1950, même sans l'avoir appris à l'école, tout le monde chantait encore. Il était courant, aux fêtes et aux mariages, que parmi les convives se trouve un très bon chanteur amateur qui donnait de la voix. Aujourd'hui on met une musique de fond qui s'apparente plus à une simple pulsation qu'à de la musique et que personne n'écoute. Tout ce qui subsiste de la pratique du chant se limite aux chorales desquelles, de plus, tout vibrato est proscrit hormis pour les solistes. À tort d'ailleurs puisque dans les chœurs d'opéra ou les polyphonies corses par exemple, tous les choristes chantent avec un vibrato, comme des solistes, et c'est magnifique.
Mais, comme je l'indiquai au début de cette section, il existe
toute une catégorie
d'artistes, et pas des moindres même si en France ils ne prédominent pas en nombre, qui font avec bonheur et avec
succès usage d'un vibrato très travaillé : Laura Pergolizzi (LP)
(8htz), Hélène Ségara
(8,4
htz), Dominique A
(9
htz), Sonia Lacen
(8,4
htz), Beth Hart
(9,5
htz), Silvia Perez Cruz
(8,2
htz), Antony Hegarty
(7,5
htz), Shakira
(7
htz), Jill Barber
(7,8
htz)
et bien d'autres. Ces vibratos contemporains ne
ressemblent plus toujours aux vibratos veloutés (fréquence élevée et faible
amplitude) des années 1960 comme ceux de Jacques Dutronc
(7,5
htz) ou de Léo Ferré
(8,2
htz). Une tendance aux vibratos à fréquence élevée et large amplitude, comme chez Hélène Ségara,
Beth Hart, Sonia Lacen ou Silvia Perez Cruz semble apparaître, reflet probablement de notre
époque anxieuse et survoltée,
car cette technique vocale insuffle une énergie puissante et de haute
fréquence à la voix. Le résultat est à la fois tonique et fascinant mais il
ne reflète plus du tout la sérénité des vibratos veloutés des années 1960.
5 - Le vibrato dans le chant classique
Là où le vibrato règne en maître, c'est bien entendu dans le chant classique, à l'exception de la musique baroque où il est proscrit. Mais le point de vue que je défends ici est que la façon dont on l'enseigne actuellement aux artistes lyriques classiques le rend parfois déplaisant. Passionné par la beauté de la voix chantée, j'ai toujours su que les plus beaux timbres masculins du monde étaient ceux des chanteurs d'opéra. Pourtant cela a rarement été ces voix que je préfère écouter en raison de leur vibrato trop ample et trop lent, qui me donne souvent une impression de lourdeur et d'outrance.
Les voix féminines
Avant de passer aux voix masculines, quelques mots sur les voix féminines. Leur vibrato est généralement beaucoup plus tonique que chez les hommes, ce qui est plus agréable, mais les professeurs de chant imposent aux chanteuses d'utiliser leur voix de tête sur la presque totalité de leur registre (elles ne basculent en voix de poitrine que dans les notes les plus graves du registre alto parce qu'il est physiologiquement impossible de faire autrement). La voix de tête est bien entendu plus pure, et c'est peut-être en partie pour cette raison qu'elle est aussi prisée dans le chant classique, mais son timbre s'en trouve appauvri (dépourvu d'harmoniques) et la voix perd ainsi beaucoup de sa personnalité et de ses capacités expressives. Mais surtout, et c'est plus grave, le timbre de voix de tête n'évoque pas la voix d'une femme adulte et sexuée, mais celle d'une enfant impubère (la voix de poitrine apparaît à la puberté). Prendre artificiellement et systématiquement cette voix lorsque l'on est une femme adulte m'évoque un refus d'exprimer sa sexualité. Ajoutons à cela l'invraisemblable virtuosité exigée par certaines partitions qui imposent aux chanteuses de se livrer à d'impressionnantes et périlleuses acrobaties à pleine puissance vocale, et l'on obtient un résultat qui me paraît désastreux. En effet, écouter de semblables performances est très agréable lorsque l'impression ressentie est que leur totale maîtrise en permet une interprétation sereine. Mais la combinaison de ces acrobaties vocales anti-naturelles, d'un volume sonore trop élevé et d'une voix de tête exprimant un malaise avec la sexualité me donne l'impression de hurlements hystériques. Cette façon de chanter me met franchement mal à l'aise tant elle me semble réprimer tous les sentiments sexuels qu'une voix libérée peut exprimer. Les laisser s'exprimer serait visiblement insupportable à un art lyrique académique resté puritain. La façon dont on enseigne encore le chant classique féminin aujourd'hui me semble d'un autre âge, tout droit sortie d'une époque répressive et puritaine et n'ayant pas su s'adapter aux changements du monde.
Pour rester dans un style proche du classicisme, j'estime bien davantage des voix comme celles de Marie
Laforêt, Louise Tucker, Marilyn Horne, Yma Sumac ou Joan Diener. Ici par exemple Marie Laforêt fait
preuve dans La Cavale
d'une virtuosité presque digne d'un air d'opéra mais passe avec brio de la voix de
tête à la voix de poitrine. De la même façon, la chanteuse d'opéra Louise Tucker
a enregistré deux disques (Midnight Blue
et After the Storm
)
dans lesquels elle se libère des carcans de l'opéra en utilisant sa
voix de poitrine davantage qu'à l'opéra, et le résultat est magnifique. Il en
va de même pour Marilyn Horne, ici en 1978 dans le rôle d'Orlando
dans Orlando furioso d'Antonio Vivaldi. A l'époque il était encore
possible d'utiliser sa voix de poitrine comme elle le faisait, cela ne l'est
malheureusement plus aujourd'hui. Quant à Yma Sumac, elle avait incontestablement l'une des voix les plus extraordinaires du monde avec ses 4 octaves et demi. Sa maîtrise était
équivalente à celle d'une chanteuse d'opéra mais elle se permettait, comme Youry Azios Manoff
qui couvre 4 octaves, bien davantage de libertés, ce qui donnait un résultat
époustouflant
.
Joan Diener, enfin, interpréta la comédie musicale Man of la Mancha à
Broadway, puis en français avec Jacques Brel. Dans cet enregistrement de la
version originale
elle utilise librement sa voix de poitrine et le résultat est beaucoup plus
agréable que s'il était interprété selon les critères rigides de l'opéra.
Les voix masculines
J'en reviens donc aux voix masculines, plus belles car moins contraintes par des dogmes puritains d'un autre âge. J'ai cependant toujours trouvé que la façon d'enseigner la technique du vibrato dans le chant classique gâchait l'incroyable beauté des voix masculines que l'on entend à l'opéra. Pour une raison qui m'échappe, les professeurs de chant classique d'aujourd'hui enseignent que le vibrato doit être ample et lent, ce qui le rend souvent lourd et trop appuyé. Ce n'était pas le cas il y a un siècle, comme nous allons le voir avec l'exemple du grand Caruso. La fréquence d'un vibrato peut, on l'a vu, varier de 5 à 9,5 htz. Le malheur est que les professeurs de chant classique restreignent cette fréquence à un maximum de 7 hertz, ce qui le rend peu dynamique. Quant à l'amplitude, sa norme serait aujourd'hui située dans une fourchette allant de 1/4 à 3/4 de ton1. Elle est selon moi souvent bien trop élevée dans l'enseignement du chant classique.
Ce qui m'amuse un peu avec la musique classique c'est que finalement beaucoup de mélomanes et de musiciens classiques (notamment les amateurs de musique baroque évidemment) se plaignent de ne pas aimer les vibratos. Mais cela ne les conduit visiblement pas à se demander si ce n'est pas la façon académique de le pratiquer qui pose problème. Et cela ne les empêche pas non plus de moquer les artistes lyriques qui s'écartent des canons pour chercher de nouvelles voies, par exemple en augmentant la fréquence du vibrato ou diminuant son amplitude. On entre en musique classique comme on entre en religion : il convient parfois de croire aux dogmes et de pratiquer les rituels sans trop se poser de questions, et c'est bien dommage. La musique classique aurait pourtant beaucoup à gagner en devenant plus souple et plus tolérante, tout comme la musique populaire s'enrichit beaucoup lorsqu'elle se frotte au classicisme.
Concernant le vibrato vocal à l'opéra, je
renvoie à cette page de David le Marrecqui
est très bien faite, mais présente le point de vue d'un mélomane
féru de classicisme.
Ci-dessous deux exemples : le premier, issu de l'opéra, est celui de la voix de Sergey Kunaev interprétant Nium mi tema, un passage d'Otello, de Giuseppe Verdi. Le second, issu de l'opérette, est celui de la voix de Youri Azios Manoff interprétant le cœur des femmes, extrait de La belle de Cadix de Francis Lopez.
Sergey
Kunaev Nium mi tema (5,3 htz)
Youry Azios Manoff Le cœur des femmes (7,5 htz)
La différence d'amplitude entre ces deux vibratos saute aux yeux sur le spectrogramme, et aux oreilles à l'audition. Plus encore que la différence de fréquence. Autant le premier me semble outrancier, malgré les qualités vocales indiscutables de Sergey Kunaev, autant le second me semble sobre (faible amplitude) et tonique (fréquence relativement élevée).
La voix et la maîtrise de Luciano Pavarotti
(5,8 htz) sont incontestablement fantastiques.
Je ne peux cependant m'empêcher de penser qu'un vibrato plus sobre et plus tonique n'aurait pu qu'améliorer un résultat déjà sublime.
Je pense que si les
chanteurs d'opéra se libéraient de leurs carcans académiques, un peu comme
les peintres impressionnistes l'ont fait, leur art deviendrait populaire, tout
simplement parce qu'il deviendrait plus beau. Je n'aime pas particulièrement Luis
Mariano même s'il était parfois sublime, mais lui a su se libérer des carcans
de l'opéra (où il aurait probablement pu exceller, icien répétition
dans Qu'une belle pour quelques instants extrait du Rigoletto de Verdi et
ici
toujours en répétition dans Je
crois entendre extrait des Pêcheurs de perles de Bizet) et le
succès qu'il a rencontré a très certainement été bien plus grand que celui
que l'opéra lui aurait réservé.
D'autant plus que les carcans de l'académisme sont devenus aujourd'hui bien plus totalitaire qu'ils ne l'étaient à l'époque des grands chanteurs du passé comme Enrico Caruso et Maria Callas, que beaucoup continuent à considérer comme les plus grands. La technique vocale de Caruso était plus proche de la chanson populaire que ne le sont aujourd'hui les standards de l'opéra. C'est frappant dans cet extrait de "Catari" chanté par Enrico Caruso et par Luciano Pavarotti, la voix de Caruso est plus douce (il chante un peu moins fort sur les premières notes), son vibrato est plus rapide (6,2 à faible puissance et 7,1 à pleine puissance contre 5,6 de façon assez constante pour Pavarotti) et il est de plus faible amplitude :
|
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Capture d'écran des spectrogrammes de Caruso et de Pavarotti montrant la différence d'amplitude au même moment (sur les premières notes) de leur interprétation de "Catari" |
Caruso chantait moins fort qu'aujourd'hui (les salles étaient certainement
moins grandes) ce qui ne lui interdisait pas de superbes envolées à pleine
puissance. La fréquence de son vibrato variait
beaucoup, de 6,2 à 7,7 hertz, mais son amplitude restait toujours faible, et
c'était beaucoup plus beau. Mais même s'il est toujours encensé par certains comme le plus
grand chanteur de tous les temps, on n'entendrait malheureusement plus cela aujourd'hui. Les
musiciens et les mélomanes se moqueraient de quelqu'un qui chanterait de cette
façon en disant "il se croit à l'opérette".
D'ailleurs David le Marrec reconnaît ici
que les mélomanes se moquent des vibratos rapides sans pourtant à
avoir rien à leur reprocher sinon qu'ils sont passés de mode. On pourrait en
dire autant des vibratos de faible amplitude.
Pour justifier la lenteur du vibrato exigée des artistes lyriques, on entend et on lit des choses assez variées, mais dont la pertinence me semble pour le moins douteuse.
On entend par exemple parfois affirmer qu'il
est difficile de concilier une fréquence dépassant 7 hertz avec la puissance vocale
exigée à l'opéra. Il est vrai qu'un vibrato rapide est plus facile à
produire sur un son murmuré qu'avec une voix donnant sa pleine puissance. Il
est cependant faux qu'il soit difficile, avec un peu d'entraînement, de
dépasser 7 hertz à pleine puissance. Youry Azios Manoff parvient d'ailleurs aisément, avec une fréquence de 7,5
hertz, à couvrir un orchestre jouant à pleine puissance. En voici deux exemples avec ces
deux extraits du Vagabond tzigane
de
Francis Lopez.
On entend également qu'une fréquence comprise entre 5 et 7 hertz correspond à celle du vibrato naturel. C'est une absurdité, aucun vibrato maîtrisé n'est naturel, tous résultent d'un travail sur la voix. Personne d'ailleurs ne peut chanter comme le font les artistes lyriques se produisant sur les scènes d'opéra sans un intense travail sur leur voix, et l'obtention d'un beau vibrato fait partie de ce travail. Rien n'est naturel là-dedans. Certes, si on laisse faire les choses comme elles viennent et si l'on n'investit aucune énergie dans la maîtrise du vibrato, sa fréquence restera basse. Mais cela correspond-il au travail d'un chanteur professionnel ? Se produire sur scène, c'est justement investir de l'énergie et du travail dans sa pratique quotidienne, comme l'acrobate qui répète chaque jour son saut périlleux afin de le restituer sur scène en donnant l'impression que son énergie jaillit sans effort. Pavarotti ne donnait pas l'impression de s'égosiller lorsqu'il remplissait de grandes salles de sa voix puissante, il donnait l'impression que "c'était naturel", mais c'était le résultat d'un intense travail quotidien. Ce qui justement est désagréable dans un vibrato de basse fréquence, c'est qu'il donne une impression de manque de tonus, de laisser-aller. J'ignore l'origine de cette fable du "vibrato naturel" que l'on retrouve un peu partout et qui remonte probablement assez loin dans la tradition musicale, mais cela m'a toujours paru manquer singulièrement de pertinence.
On entend encore qu'au-delà de 7 hertz, la
voix donne une impression de chevrotement. Un vibrato très rapide et de trop
forte amplitude donne effectivement l'impression d'un son saccadé, qui peut
évoquer le chevrotement. Mais si le vibrato est régulier, comme chez Beth
Hart, il n'évoque pas le chevrotement, il est simplement un peu saccadé, car
ce qui caractérise le chevrotement c'est le manque de régularité. Une voix que l'on peut objectivement
qualifier de chevrotante est par exemple celle que s'est amusé à prendre
Freddy Balta dans quelques enregistrements réalisés sous le pseudonyme de
Fredo Minablo (et sa pizza musicale !), celui-ci par exemple, Tout fonctionne
à l'italiano.
On constate instantanément que la vraie impression de chevrotement n'a rien à voir
avec la rapidité du vibrato, mais plutôt avec le fait qu'il ressemble à un
rire et manque de régularité. Son spectrogramme apprend surtout qu'il donne
une nette impression de cafouillage et d'irrégularité :
Pour mesurer l'amplitude et la fréquence d'un vibrato, le plus simple est d'utiliser un logiciel comme par exemple Vocevista dont certaines versions sont libres, qui permet d'afficher les spectrogrammes et d'effectuer des mesures sur les sons :
On voit ici le spectrogramme d'une voix de soliste a capella (la mienne en l'occurrence,
que je ne fais pas écouter
ici pour
prétendre qu'elle possède des caractéristiques artistiques intéressantes,
mais parce qu'il s'agit d'un exemple de voix de soliste a capella
enregistré avec deux micros de qualité différente et dont je dispose sans avoir à chercher). Une voix
de soliste a capella présente évidemment un spectrogramme
particulièrement lisible puisqu'il n'est brouillé ni par les spectrogrammes des autres voix ni
par ceux des instruments.
L'échelle verticale indique la hauteur du son, l'échelle horizontale le temps, et la couleur l'intensité du son. Il apparaît très clairement que le timbre de la voix est composé de ses multiples harmoniques qui suivent la même ligne mélodique à des hauteurs différentes et qui sont si nombreuses, si proches, et parfois d'intensité si voisine qu'il est difficile de savoir quelle est la hauteur de la note perçue à la simple lecture du spectrogramme. Les lignes mélodiques les plus proches du rouge sont celles qui correspondent au volume sonore le plus élevé, donc à la note perçue.
Ici un autre exemple, toujours de ma voix
sans accompagnement instrumental, mais enregistrée avec un micro de moins bonne
qualité. On constate tout de suite que l'image est beaucoup moins riche (mais
plus facile à lire !)
Ici un son sifflé (Laura Pergolizzi, Forever For Now).
La différence entre un timbre sifflé et un timbre chanté saute aux yeux : le
timbre chanté est beaucoup plus riche puisqu'il comporte de nombreuses lignes
d'harmoniques, ce qui nous permet de reconnaître une voix familière entre
mille. Le timbre sifflé est beaucoup plus pur, ce qui le rend très
pauvre : il comporte extrêmement peu de lignes d'harmoniques (ici une
seule), il est donc extrêmement difficile à distinguer d'un autre timbre
sifflé.
Beaucoup d'autres choses sont facilement interprétables sur un spectrogramme : on voit si l'attaque de la note est juste ou si la voix hésite et cherche la hauteur juste lors de l'attaque. On voit si le vibrato est régulier, s'il commence avec l'attaque ou après un décalage et s'il est uniquement une variation de la hauteur du son ou également de son intensité. On peut également mesurer son amplitude et sa fréquence. On voit également si le timbre est riche (beaucoup d'harmoniques) ou pauvre (pur : peu voire pas d'harmoniques).
Annexe 2 - La mesure de l'amplitude
En matière d'amplitude dans le chant classique, la norme est aujourd'hui située entre 1/4 et 3/4 de ton.1 Elle aurait été autrefois plus élevée, entre 1/2 ton et 1 ton2, mais ce n'est pas ce que je constate en écoutant Enrico Caruso, bien au contraire. Notons au passage qu'une amplitude excessive donne non seulement la sensation d'un vibrato outré mais peut même perturber la perception de la ligne mélodique.
Je n'ai malheureusement pas encore trouvé comment mesurer l'amplitude. En effet, sur un spectrogramme, la note perçue correspond aux lignes mélodiques inférieures, dont le volume sonore est le plus élevé (proches du rouge), tandis que les lignes mélodiques supérieures correspondent aux harmoniques de la voix, comme on le voit très bien sur cette capture d'écran (qui correspond au son d'une voix seule et sans accompagnement instrumental) :
Or l'amplitude du vibrato des harmoniques est supérieure à celle du vibrato de la note perçue, et plus les harmoniques sont aiguës, plus cette amplitude augmente. Il me paraît donc difficile de mesurer de façon sûre l'amplitude du vibrato de la note perçue sans être trompé par celle des harmoniques.
À défaut d'avoir trouvé le moyen de mesurer cette amplitude, quelques captures d'écran de différents spectrogrammes permettent facilement d'en apprécier les variations (et souvent de confirmer ce que l'on perçoit déjà, avec un peu d'habitude, à la simple écoute). À titre d'exemple on peut ici apprécier les différences d'amplitude entre les vibratos d'Enrico Caruso et de Luciano Pavarotti :
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Notes
1 - Nicole Scotto di Carlo, 2007, p. 161, Les dysfonctionnements de la voix chantée, Travaux Interdisciplinaires du Laboratoire Parole et Langage, vol. 26, p. 153 - 177. Consultable ici
2 - Marie France Busnel Le vibrato vu par William Vennard, consultable ici p. 4.
3 - Robert Expert Esthétique et physiologie du vibrato dans la voix chantée, consultable ici.
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